La danse – le contact improvisation

 

 

                 “Prendre chair

Pour honorer la place de l’autre sur la terre, il faut occuper la sienne, entièrement, c’est si simple.

On ne peut saluer l’autre que de chez soi. Il faut être descendu de sa poussière d’étoiles. Offrir un visage. Le sien. Tant que je reste pour moi même un mirage, une fantasmagorie, une image flottante, un rêve qui n’a pas pris chair, l’autre non plus ne peut pas prendre corps pour moi. Il n’y a personne.

Et l’on croit le contraire, et l’on se tient sur la pointe de la pointe de nos pieds pour laisser à l’autre la place de vivre, à tous les autres sauf à soi – et n’étant nulle part on la prend toute.

Quand je vis à l’orée de moi-même, je sature l’espace de mon propre bruit. Si je ne passe pas par mon chemin du dedans, c’est moi-même sans fin que je trouve au dehors.

Rentrons chez nous.

Habitons notre corps.

Et nous pourrons ouvrir la porte.”

Un cœur sans rempart – Marie Laure Choplin

Le contact improvisation, une pratique, une exploration qui va au delà de la « danse ».

Issue de la danse contemporaine, le contact improvisation propose d’explorer le mouvement, la gravité et l’improvisation en gardant contact avec un ou plusieurs partenaires. Ces points d’appuis étant mobiles, cela ouvrir un champ d’exploration propice à la surprise, au jeu, à l’altérité, à la considération de la relation de façon profonde et concrète.

 

 

Histoire et définition

Bénéfices

 

 

Histoire et définition :

 

Né au début des années 70 aux États Unis et développée par le danseur, chorégraphe et pratiquant d’aïkido Steve Paxton et d’autres danseurs, comme Barbara Dilley, Mary Fulkerson, Nancy Stark Smith, Lisa Nelson, le contact improvisation est une pratique exploratoire organique du mouvement fondé sur le contact physique avec le sol et entre deux personnes ou plus qui fait naître le mouvement et le nourrit.
Diverses définitions ont été tentées pour établir ce qui était en jeu dans un duo de Contact Improvisation. Steve Paxton proposait la suivante en 1979 :

” Le point de concentration fondamental pour les danseurs est de rester en contact physique ; s’offrant mutuellement des appuis, innovant, ils méditent sur les lois physiques liées à leurs masses : la gravité, l’impulsion, l’inertie et la friction. Ils ne s’efforcent pas d’atteindre des résultats mais bien plutôt cherchent à accueillir une réalité physique constamment changeante par une manière appropriée de se placer et de diriger leur énergie. “

 

” Ce que je touche, me touche. “

Matthieu Gaudeau

 

Les éléments qui la distinguent sont : le partage du même axe gravitaire, le transvasement du poids, les roulades, la connexion à la terre, mais aussi le jeu, la spontanéité, les envols, les portés dans un flux multiforme.

Ce jeu de réponses et d’interdépendances ressemble à une conversation corporelle qui change et s’adapte à chaque situation.

La présence sensorielle partagée et le jeu avec les forces de la gravité permettent de vivre des moments intenses et profonds de flux dans le collectif. Véritable technique, le contact improvisation bouleverse les relations sociales conventionnelles, balaie les tabous concernant le toucher et offre en même temps à tous un champ nouveau d’exploration du mouvement. On engage l’interaction motrice, on porte, on propose des appuis, parfois on bouscule les partenaires pour leur permettre de visiter d’autres formes posturales et motrices. Les partenaires doivent s’accorder pour se mouvoir ensemble se donnant mutuellement appui, ce qui donne lieu à des improvisations surprenantes, parfois acrobatiques. Cette discipline inclue danseur et/ou non danseur. Le contact improvisation est une danse où l’esthétisme est modifié par la priorité donnée à l’écoute et à la confiance des partenaires. Il permet ainsi d’explorer altruisme, rapport de force et de puissance, ligne de fuite, plaisir et intérêt partagé. Le contact nécessite fluidité dans les rencontres aiguisant la sensation kinesthésique, apaisant l’effet lié à la prise de risque et au danger, développant la volonté ou la non-volonté dans l’intention directrice du mouvement (décision, adaptation, disponibilité). L’improvisation, induite par les conditions de cette pratique, précise les problèmes de décision, les désirs de faire et d’être influencé, la disponibilité à l’instant. Ainsi cette pratique développe l’altérité, la réciprocité et l’égalité entre les danseurs.

Cette technique éduque un corps réveillé, vigilant et conscient, connecté à soi, à son centre, au présent, à la relation à l’autre. Elle transmet force et douceur, disponibilité au lâcher-prise. Elle ancre à la terre tout en développant la fluidité et la légèreté. Elle véhicule, dans son fond et dans son histoire, une philosophie du partage et de la coopération. Fondée sur les mécanismes naturels du mouvement et sur la communication entre êtres humains, cette discipline est idéale pour travailler sur la rencontre entre personnes valides et non valides.

” Le Contact est une Révolution par le Toucher. C’est une révolution contre la tyrannie du non-toucher. C’est une politique de mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, organisant la cassure des codes spatiaux et de la distance entre les gens. Nous connaissons le toucher amoureux, le toucher familial ou amical, mais, de fait, le toucher d’un étranger est laissé aux rencontres hasardeuses dans des lieux bondés, comme le contact entre la paume de ma main et les doigts du caissier remettant la monnaie de mon dollar. S’engager dans une danse et saisir l’opportunité d’éveiller ses sens, d’adoucir sa peau dans tous les coins et recoins d’une personne dont on connaît ou non le nom, de sentir ses habits, de partager ses sueurs, de n’avoir comme relations que ces moments de mouvements partagés dans un contexte non-sexuel, modifie l’être-ensemble social. “

Karen Nelson, Une révolution par le toucher, 1996

 

 

Bénéfices :

 

Par son approche même liée à l’enthousiasme et au plaisir, le contact improvisation renoue avec ces forces de vie qui nous stimulent et ainsi permet de préserver une bonne vitalité, de développer une meilleure connaissance de soi par le schéma corporel, sa relation au corps, à son image, au toucher, au monde, de développer la confiance en soi et en l’autre, l’altruisme, d’apaiser les effets liés à la prise de risque et au danger.

                    ” Je me rappelle, dit Ishmael Houston-Jones, que je sentais et je sens probablement toujours que quelque chose d’aussi simple que le Contact Improvisation avait d’immenses ramifications politiques dans la manière dont les gens font l’expérience de la danse. À la fois en termes d’égalité, ou d’égalitarisme supposé, et dans la dissolution supposée des rôles genrés. “

Steve Paxton, Interior Techniques: Contact Improvisation and Political Power

                  ” Votre fragilité est aussi votre force. “

Pina Bausch